Ici,
il n'y a rien.
Si, il y a moi. Rien et moi. Rien s'appelle Rien.
Il vit avec moi, autour de moi.
Ce
matin, j'ai mis la veste de Papa et les bottes que Maman me
disait toujours de mettre si je ne voulais pas avoir froid.
Ce matin, la veste, les bottes, Rien et moi sommes sortis.
Rien est toujours de bonne humeur, il ne dit jamais rien de
méchant.
Les
autres enfants me trouvent bizarre, mais cela ne fait rien.
Rien n'est important si Rien reste avec moi.
Souvent,
quand je dîne, je mets pour Rien une assiette avec rien
dedans.
Papa
a des soucis
et moi aussi.
Madame
Nellis s'occupe de moi quand Papa n'est pas là, c'est-à-dire
presque tout le temps.
"
Viens, il n'y a rien à faire ici ! "
Ici,
c'est le jardin et, à côté du mur, il
y a une porte, sauf que l'on appelle ça une grille.
Autrefois, dans le jardin, il y avait des fleurs aux noms
extraordinaires. Mais ça, c'était avant.
"
Il n'y a rien à faire ", soupire Lila.
" Détrompe-toi, à partir de rien, on peut
tout faire ", dit Rien.
" Je mets cette petite graine dans un trou, je verse
un peu d'eau et voilà
un arbre de plus.
Rien
et Lila montent jusqu'à la cime de l'arbre.
Lila
montre à Rien le château où son père
travaille comme jardinier
Elle doit tout expliquer :
Rien ne sait rien de ce que fait son papa.
Tard
dans la nuit, Monsieur Papa se cogne contre un arbre en rentrant
chez lui.
Le
lendemain, Lila emmène son ami Rien voir le grand débarras.
" C'est ici que Papa faisaient germer les graines des
fleurs aux noms extraordinaires du temps où Maman était
encore là.
Papa, n'aime pas que je vienne ici. "
"
Tiens, les fleurs préférées de Maman.
Des pavots de l'Himalaya.
Mama, disait qu'il fallait beaucoup s'en occuper. Elle racontait
que lors d'une très longue période de gel dans
l'Himalaya, une gorge-bleu avait emporté une graine
de pavot dans son bec de peur que cette fleur ne disparaisse
pour toujours. Il l'avait ensuite plantée dans le jardin
d'une princesse
"
" Rien, crois-tu que Maman était une princesse
? "
Le
temps passe et Papa a toujours autant de soucis. Rien ne peut
rien faire pour moi.
Pourquoi
ne suis-je pas partie avec Maman dans le ciel ?
Elle doit être sur l'Himalaya maintenant.
Rien me dit de planter les graines.
" Va-t'en, Rien, Tu ne comprends jamais rien ! "
Les
jours suivants, Rien a disparu.
Voilà ce que je vaux : moins que rien.
Madame Nellis a toujours été inquiète
à cause de mon ami Rien, " qui sortait de mon
imaginaire ".
Mais maintenant que Rien a disparu, elle est encore plus inquiète.
Quelques
jours plus tard, un gorge-bleue apparaît dans le jardin
vide. Je le vois de mes propres yeux.
Je mets les graines en terre le jour même.
Nous sommes au début de l'automne.
Heureusement, comme cela les racines prendront forme avant
le froid de l'hiver.
Il
faut placer une cloche sur chaque fleur afin qu'elles ne souffrent
pas de l'humidité
Et
inviter le hérisson à manger les limaces parce
que les limaces mangent les belles fleurs.
Quand la lune est levée, je mets un bol d'eau.
Enfin,
le printemps est à notre porte.
J'attends avec impatience mes fleurs bleues.
Une nuit, je descends dans le jardin. Au milieu du jardin
se trouve un superbe arbuste. Un lilas !
J'appelle : " Rien " Cela ne peut qu'être
son uvre.
Il
sort de l'obscurité et nous sommes de nouveau amis
pour la vie. " Regarde, Rien, les fleurs ont poussé.
"
Le
lendemain ; papa travaille au château.
Le châtelain le félicite pour son ravissant jardin.
" Je suis passé devant chez vous ce matin ; j'aimerais
beaucoup avoir des fleurs comme cela dans mon jardin d'été
", dit-il.
Papa
lâche la cisaille. Il s'immobilise.
On entend les buissons frémir.
Il court vers ce jardin qu'il a temps ignoré.
Il voit les fleurs bleues et, au milieu, un lilas et sa fille.
"
Tu es bien la fille de ta mère ", dit-il.
Notre
printemps a été magnifique.
Papa est redevenu mon papa. Un jour, il m'a tendu une boîte
en m'expliquant : " c'est ta maman qui a fait ça
pour toi avant de partir, mais je n'ai jamais eu le courage
de te le donner. "
Voici
ce que j'y ai trouvé.