Extrait du merveilleux voyage de Nils holgerson à travers la Suède

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Ce disant, il s'avançait vers la table, lorsque tout à coup il remarqua quelque chose d'étrange. Il n'était pas possible que la maison se fût agrandie. Mais comment expliquer autrement qu'il eût à faire un si grand nombre de pas pour atteindre la table ? Et qu'avait donc la chaise ? Elle ne semblait pas être devenue plus grande ; pourtant il dut se hisser d'abord jusqu'au barreau inférieur et de là grimper sur le siège. De même pour la table, il ne put en voir le dessus qu'en escaladant le bras du fauteuil.
" Qu'est-ce que cela signifie ? se dit-il. Je crois que le tomte a enchanté le fauteuil et la table et toute la maison. "
Le sermonnaire était toujours ouvert sur la table et ne paraissait pas changé ; pourtant il vit bien qu'il y avait là encore quelque chose de bizarre, car il ne put lire un seul mot sans se placer debout sur le livre même.
Il lut quelques lignes, puis leva la tête. Ses yeux tombèrent de nouveau sur la glace, et il s'écria tout haut : " Tiens, en voilà encore un ! "
Dans le miroir, il voyait nettement un petit, tout petit homme en bonnet pointu et en culottes de peau.
- Celui-là est habillé exactement comme moi, s'écria-t-il en joignant les mains de surprise. Alors le petit bonhomme de la glace fit le même geste.
Le gamin se mit à se tirer les cheveux, à se pincer, à pirouetter sur lui-même ; aussitôt l'homme de la glace imitait ses mouvements.
Rapidement, il fit le tour de la glace pour voir s'il y avait quelqu'un caché là derrière. Mais il n'y avait personne. Il se prit alors à trembler, car il comprenait tout à coup que le tomte l'avait ensorcelé, et que l'image reflétée par la glace était son image à lui. ....

Le gamin entendait tout du mur où il s'était caché. " Quel dommage si le grand jars allait s'envoler ! Père et mère en auraient du chagrin s'il était parti lorsqu'ils reviendront du temple. "
Il en oublia une fois encore qu'il était petit est sans force. Il sauta au milieu des oies, et jeta ses bras autour du cou du jars. " Tu resteras ici, tu entends ", cria-t-il.
Mais juste à ce moment, le jars avait compris ce qu'il fallait faire pour s'élever du sol. Il ne put s'arrêter pour secouer le gamin, et celui-ci fut emporté dans l'air.
Il fut enlevé avec une rapidité qui lui donna le vertige. Avant d'avoir pensé à lâcher prise, il se trouva si haut qu'il se serait tué s'il était tombé à terre.
Il n'avait plus qu'à essayer de se hisser sur le dos de l'oie. Il y parvint, mais avec beaucoup de peine. Il n'était pas facile non plus de se maintenir sur le dos lisse et glissant, entre les deux ailes battantes. Il dut plonger ses deux mains dans les plumes et le duvet pour ne pas être précipité.
Un long moment, le gamin eut des vertiges qui l'empêchèrent de se rendre compte de rien. L'air sifflait et le fouettait, les ailes frappaient, les plumes vibraient avec un bruit de tempête. Treize oies volaient autour de lui. Toutes caquetaient et battaient des ailes. Les yeux éblouis, les oreilles assourdies, il ne savait si elles volaient haut ou bas niquel était le but du voyage.
Enfin il se ressaisit, et comprit qu'il devait tâcher de savoir où on le conduisait. Mais comment aurait-il le courage de regarder en bas ?
Les oies sauvages ne volaient pas très haut, car leur nouveau compagnon de voyage n'aurait pu respirer un air trop léger. A cause de lui elles volaient aussi moins vite qu'à l'ordinaire.
Enfin le gamin eut l'audace de jeter un regard au-dessous de lui. Il fut surpris de voir étendue là-bas comme une grande nappe, divisée en une infinité de grands et de petits carreaux....

Il était furieux d'être trahi par ses forces et de ne pouvoir montrer à ces vagabondes qu'une oie domestique les valait bien. Le plus agaçant, c'est qu'il était tombé sur Akka de Kebnekaïse. Il avait beau n'être qu'un oiseau de basse-cour, il n'en avait pas moins entendu parler d'une oie chef de bande qui s'appelait Akka et qui avait plus de cent ans. Elle avait une telle réputation que les meilleures oies sauvages voulaient faire partie de sa troupe. Mais personne n'avait plus de mépris pour les oies domestiques que cette Akka et sa bande ; aussi aurait-il bien voulu leur montrer qu'il était leur égal.
Tout en réfléchissant à la décision à prendre, le jars blanc volait lentement un peu en arrière des autres. Tout à coup, le petit bout d'homme qu'il portait sur son dos éleva la voix : " Mon cher jars Martin, tu comprends bien qu'il te sera impossible, à toi qui n'as jamais volé, de suivre les oies sauvages jusqu'en Laponie. Ne ferais-tu pas mieux de retourner à la maison avant de te faire du mal ? "
Or, le fils de la maison, ce mauvais garnement, le jars l'avait en horreur. Aussi, dès qu'il eut compris que le gamin le croyait incapable de faire le voyage, résolut-il de tenir bon. " Si tu dis un mot de plus, je te jette dans la première marnière que nous rencontrerons ", siffla-t-il. Et la colère lui donna de telles forces qu'il se mit à voler aussi bien que les autres....