Extrait des Nougats

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L'autoroute pour les vacances au soleil, c'est long et fatigant. Heureusement que ma petite sœur était restée chez Mamie, j'ai pu m'endormir à l'arrière de la voiture, juste à l'instant où maman disait que c'était drôlement joli. Je ne saurai jamais quoi. J'ai commencé la plus longue sieste du monde, pleine de mer, de matelas pneumatiques et de masques de plongée.
J'ai rouvert les yeux juste avant Montélimar-Nord. J'ai entendu papa me grogner quelque chose. Peut-être :
- Dors, Antoine, on n'est pas encore arrivés... Juste un arrêt pipi-essence.

Que ce soit Montélimar-Nord ou Montélimar-Sud, c'est tous les ans Montélimar, et tous les ans des nougats de toutes les formes, de toutes les couleurs. Mais papa ne veut jamais en acheter à cause de la chaleur. " Ça va fondre et tacher les housses de la voiture. "
Mais pour cette année, j'avais un plan. J'avais économisé sur mon argent de poche et, dès que mes parents auraient le dos tourné, j'en profiterais pour m'acheter la grosse boîte de nougats, à tous les parfums et à toutes les couleurs, enveloppée dans un papier transparent avec une étiquette dorée. Alors, j'étais réveillé, et bien réveillé !

J'ai senti la main de maman sur mes cheveux et-reste-sage-mon-lapin. Les portières ont claqué, et ils sont sortis.
J'ai remis mes sandales et j'ai quitté la voiture 30 secondes après eux , en plein soleil, celui qui fait fondre les nougats.

La boutique de la station-service, c'était énorme, comme Auchan et Carrefour réunis, les caddies en moins et les toilettes en plus.
Papa et maman faisaient la pause-café, je les ai aperçus devant l'appareil. Je me suis faufilé pour qu'ils ne me voient pas et sur le comptoir, j'ai regardé les nougats. Ma boîte. Ma boîte surtout. Bien sûr, celle d'à côté était plus grosse et plus belle. Mais en recomptant avec mes doigts dans ma poche, je n'avais pas assez pour l'acheter. J'ai regretté. J'ai pris ma boîte, celle dont j'avais rêvé toute l'année et je suis allé payer sur la pointe des pieds pour que la dame de la caisse me voie.
Vite, avant que papa et maman reviennent ! J'ai couru vers la voiture rouge. Impossible de la manquer tellement elle est rouge avec deux toits ouvrants. Rien. Pas de voiture. Juste une bleue à la place. Je me suis frotté les yeux. J'ai cherché. J'ai couru. J'ai recherché. Et j'ai pleuré, assis sur le goudron qui fondait presque et ma boîte de nougats sûrement déjà fondue. Ils étaient partis sans moi. Ils s'étaient débarrassés de
moi comme tous les chats et les chiens de l'été, ils m'avaient abandonné ! Mais je n'étais pas un chien. Et je me suis mis à hurler :
- Maman! Maman! Papa!
Le cauchemar. L'abandon. L'histoire du Petit Poucet, maintenant je comprenais que c'était possible.
Un gros monsieur en short, avec des jambes toutes blanches et poilues, s'est approché. Il m'a interrogé. Mais je pleurais trop. Il m'a pris par la main et m'a conduit vers la caisse à nougats. Avec la dame, ils ont discuté pour savoir comment retrouver mes parents. Ils me questionnaient, mais je n'arrivais même pas à leur répondre…

D'après Claude Gutman, Les nougats, Editions Pleine Lune, Nathan